Au Cameroun, un programme d’agroforesterie enraye l'exode rural
Au Cameroun, un programme d’agroforesterie enraye l'exode rural
Un vaste réseau d’agroforesterie, lancé en 1999 et impliquant 10.000 agriculteurs, a permis de "reverdir" le Nord et l’Ouest du pays, notamment à Kumbo, Bayangam, Bangangté et Bafang. Le tout en stimulant l’entrepreneuriat et en enrayant l'exode rural. Découverte.
Par Ophélie Colas des Francs
Les paysans de Riba célébrant l’agroforesterie. © Roger Leakey
C’est un paradoxe dont les pays africains sont coutumiers : malgré une surreprésentation des agriculteurs dans la population active, les peuples éprouvent des difficultés à se nourrir. Ainsi, bien que 70% des Camerounais travaillent dans le secteur agricole, 30% d’entre eux sont régulièrement exposés à l’insécurité alimentaire.
L’Ouest et le Nord-Ouest, particulièrement frappés par la déforestation, la dégradation des sols, le braconnage et le surpâturage sont particulièrement touchées par les difficultés alimentaires. Les cultures de rente, le café et le cacao, ne procurent pas des revenus suffisants pour les familles. Pour se nourrir, les paysans pratiquent la culture intensive de maïs, manioc et ignames. " Ces cultures répondent, certes, aux besoins alimentaires, mais procurent une alimentation à base d’amidon, pauvre en nutriments " , relèvent dans leur rapport le Think Tank Oakland Institute et l'Agence pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA)
Formation à l’arboriculture et l’entrepreneuriat
Conscient de ces difficultés, le Centre Mondial d’Agroforesterie a lancé en 1999 au Cameroun un programme combinant les connaissances locales avec les techniques modernes de sélection génétique pour " domestiquer " les arbres sauvages. Les agriculteurs ont été formés à la collecte de germoplasmes. Concrètement, les germoplasmes sont des tissus vivants à partir desquels de nouvelles plantes peuvent être cultivées. Ils ont également été formés au marcottage*, une technique très efficace pour la culture du safoutier et de certaines espèces de colatier. Quarante pépinières ont été mises en place pour diffuser ces connaissances.
Sur le plan commercial, les agriculteurs ont appris à s’organiser collectivement et à constituer des groupes pour renforcer leurs capacités de négociation. Ils ont également eu accès à de petits prêts grâce à l’Initiative de Développement de l’Entreprise Agricole. Cet argent couvre les besoins quotidiens, ce qui leur permet d’attendre que les prix sur le marché montent avant de vendre leur production.
Recul de la pauvreté
En l’espace de quatre ans, le réseau de l’agroforesterie a impliqué plus de 10.000 agriculteurs de plus de 200 communautés. La fertilité des sols a été améliorée grâce à l’association sur la même parcelle des cultures de rente comme le café et le cacao avec des arbres et arbustes fixateurs d’azote. Ainsi les revenus des ménages ont pu augmenter de 500 $ par hectare grâce à la vente supplémentaire des fruits. Et les familles ont pu bénéficier d’un régime alimentaire plus équilibré et nutritif.
De leurs côtés, le nouveau système agricole et la microfinance ont permis la création d’emplois pour les producteurs, les transformateurs et les entrepreneurs. Plus de 78 000 dollars de prêts ont ainsi été distribués à plus de 900 ménages. Les femmes, qui représentent 70% des bénéficiaires, ont ainsi pu développer leur propre business et contribuer à l’économie familiale.
Et cerise sur le gâteau, les villageois ont vu revenir des jeunes qui avaient migré dans les grandes villes. "10 % des 295 agriculteurs ayant participé aux projets de pépinières étaient des jeunes qui avaient réalisé que la vie au village pouvait être meilleure que celle de la ville " , écrit ainsi l’Oakland Institute.
Pour plus d'information:
* Le marcottage est un processus qui consiste à enlever l’écorce d’une branche d’un arbre pour qu’il crée des racines qui pourront ensuite être replantées. Il permet d’accélérer le processus de maturation de l’arbre, raccourcissant ainsi le temps entre la mise en terre et la récolte des premiers fruits. Par exemple, le colatier peut prendre plus de 20 ans avant d’arriver à maturité alors que le colatier marcotté fructifie après seulement quatre ans.
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